Le blog des Harpes Camac
Harpes au Max 2016
Actualités
19 mai, 2016
Ce n’est pas un secret, chez Camac nous préférons organiser et soutenir des festivals plutôt que les concours. Les concours sont bien entendu importants et nécessaires, et nous leur apportons aussi notre soutien, mais notre cœur penche plutôt pour les festivals car ce sont toujours des moments joyeux et conviviaux. Nous pensons que la musique transmet le goût de beaucoup de choses, dans différents styles, et à travers cela, un intérêt pour les êtres humains. Ses horizons sans fin se déploient d’autant mieux dans l’ambiance joyeuse et insouciante d’un festival, plutôt que dans le stress d’un concours.
Harpes au Max est un festival un peu particulier. D’abord parce qu’il a lieu près de chez nous. Les équipes chargées des relations artistiques voyagent en permanence, mais le noyau dur de notre équipe (les artisans qui fabriquent vos harpes) travaille dans nos ateliers de Mouzeil. Harpes au Max, qui s’est déroulé non loin de là, dans la région d’Ancenis, est une belle opportunité pour nous de passer un moment festif tous ensemble autour de notre passion commune qu’est la harpe. Que ferions-nous de nos harpes s’il n’y avait pas d’artistes heureux de les jouer ?
Ensuite, nous ne sommes pas les organisateurs de Harpes au Max. Il s’agit en réalité d’une collaboration entre les autorités publiques et nous, en tant qu’entreprise locale. Jakez François en est le directeur artistique, responsable de la programmation, et nous mettons également à disposition des harpes. Et c’est tout un art que de transporter soixante-quinze harpes pour soixante prestations différents en l’espace de trois jours ! Mais tout le reste (hébergement, navettes à l’aéroport, transport des artistes dans la région, repas, lieux de concert, communication, etc.) est pris en charge par la Communauté de Communes du Pays d’Ancenis (COMPA). Comme Jakez l’a précisé dans son discours de clôture, Hélène Challain et son équipe de la COMPA en ont bien plus appris sur la harpe que nous, et étaient même en mesure de donner des explications détaillées sur l’évolution de l’instrument depuis l’arc et les flèches jusqu’au mécanisme à double-mouvement mis en oeuvre par Erard…
Hormis le fait que toute cette organisation extrêmement minutieuse et essentielle s’est déroulée sans accroc, l’implication de la COMPA signifie également que Harpes au Max est non seulement un festival de harpe pour les harpistes, mais aussi un festival de harpe pour le grand public. Sans les harpistes, nous ne fabriquerions pas de harpes, mais sans le grand public, il n’y aurait pas de musiciens. Plus de 5000 visiteurs sont venus à cette édition 2016, et le moindre événement était complet. Cet enthousiasme et cette curiosité se reflétaient dans les yeux et l’énergie des soixante-cinq bénévoles qui ont donné de leur temps en ce week-end de Pentecôte, presque 24h/24, afin que cette fête soit réussie.
Myriam Serfass, qui participait au festival avec son ensemble Harpo Mélusine, a demandé à son chauffeur comment il était devenu bénévole :
« Je regardais The Voice avec mon épouse, et la prestation de Lena Woods m’a beaucoup plu. Alors j’ai cherché son nom sur Google et je suis arrivé sur le blog de Harpo Mélusine, où il y avait quelque chose sur Lena car elle a été l’une de vos élèves. Il y avait également un lien vers Les Harpes Camac. Et là, je me suis dit : je connais Les Harpes Camac, c’est près de chez moi ! J’ai été sur le site de Camac, je suis ensuite arrivé sur le Harpblog et les articles sur Harpes au Max! Et voilà, c’est comme ça que je suis devenu bénévole à Harpes au Max. »
Le programme du festival n’aurait pu être plus varié. Depuis les visites de l’entreprise jusqu’à une sélection spéciale d’ouvrages autour de la harpe à la bibliothèque municipale d’Ancenis, du programme du cinéma jusqu’à la fanfare en ouverture, c’était un festival dans tous les sens du mot : musical, harpistique, économique, culturel. Le village du festival, installé devant le théâtre, mettait en avant les vignerons locaux et autres producteurs. Des harpes apparaissaient un peu partout dans la ville, dans les devantures des magasins ou aux fenêtres des maisons. Et nous n’avons pas encore parlé du programme musical !
Jakez François a bâti la programmation du festival sur des événements de genres divers, mais toujours de la plus haute qualité, et des ensembles de harpes se sont déplacés dans toute la région pour jouer jusqu’à sept fois dans la journée. Cette année, nous avons accueilli des ensembles venus du pays de Galles (Dynamic Harps), de France (Harpo Mélusine et Hexarpa), de Malaisie (Cempaka and Penang Harp Ensembles), et de Tasmanie (Tasmanian Harp Ensemble).
Ils ont joué à l’intérieur, en extérieur, devant le Château, dans le Super-U, à la gare, à la bibliothèque, dans des centres culturels, dans des églises, sur des places de marché. Rien de tel pour tenir la forme que de décharger et recharger les harpes du fourgon, et les musiciens ont ainsi créé des liens indéfectibles avec leurs assistants dévoués, les Camac Boys ! Un grand merci à eux tous pour leur magnifique travail et pour avoir su transmettre autant de plaisir à leur public impromptu.
Les prestations de ces ensembles ont atteint leur paroxysme lors d’un grand concert commun au théâtre d’Ancenis le dimanche 13 mai. L’ensemble de Tasmanie avait préparé un diaporama de magnifiques photos de leur île. Les ensembles malais ont appris au public comment jouer de la harpe en chanson. Dynamic Harps a associé les harpes à pédales, les harpes celtiques et la DHC Blue Light. Myriam Serfass et Harpo Mélusine ont également proposé une prestation avec du chant, de la guitare électrique et du cuatro (magnifiquement joué par Leonidas Rondon). Hexarpa est un ensemble professionnel qui interprète d’ambitieux arrangements des grandes œuvres du répertoire. Chaque ensemble a été chaleureusement applaudi lors d’une standing ovation bien méritée, et chacun a su apporter sa touche d’originalité sur scène.
Ces divers événements étaient aussi l’occasion de montrer un spectre complet de ce qu’est la harpe. Le festival a débuté avec les Harpes du Monde : le çeng turc (Şirin Pancaroğlu avec Bora Uymaz), la bandura ukrainienne (Taras Yanitsky), la llanera sud-américaine (Eduardo Betancourt et Leonard Jacome, avec Leonidas Rondon au cuatro), et, pour la première fois en France, le Konghou chinois (Wu Lin).
Pendant ce temps, à l’église du vieux bourg de Saint-Sulpice-des-Landes, le Duo ars Celtica a interprété un programme de quintessence celtique, voire druidique. C’était aussi une grande première pour Les Harpes Camac, puisque que c’était le premier concert que Myrdhin donnait sur la harpe Ulysse à cordes métal que nous avons construite spécialement pour lui.
Que vous ayez opté pour les harpes du monde ou les harpes celtiques, l’ouverture du festival était alors loin d’être terminée ! Deux concerts ont eu lieu ensuite : un concert de jazz à la Chapelle des Ursulines d’Ancenis, avec Tara Minton, Tom Early et Ed Babar, et un concert de folk-pop irlandais avec Ranagri à Riaillé. Nous sommes de fervents admirateurs de ces deux groupes, très différents l’un de l’autre, mais créant chacun de nouvelles directions pour les harpes bleues à pédales ou celtiques.
Le samedi est arrivé, avec le soleil, et a débuté avec un atelier sur l’improvisation mené par Deborah Henson-Conant dans le théâtre d’Ancenis. Lors des grands festivals, on se demande souvent comment s’appelle un grand groupe de harpistes… Une horde de harpistes ? Un banc de harpistes ? Un troupeau de harpistes ? Un véritable cauchemar… ? Deborah a réussi la prouesse de coordonner ce qu’on pourrait au mieux appeler une bande de harpistes, et leur a tous fait jouer du blues ensemble à la fin ! Pendant ce temps, les plus académiques d’entre nous pouvaient se rendre à la bibliothèque où Jakez donnait une conférence sur l’histoire de la harpe.
Nous avons ensuite emprunté les allées du Château d’Ancenis pour nous rendre à un concert de mi-journée dédié à la musique classique lors duquel nous avons pu entendre de jeunes talents de la classe d’Isabelle Moretti au Conservatoire de Paris : Aiste Baliunyte et Marcel Cara. Ce n’est pas facile de jouer un programme virtuose avec Isabelle Moretti et Marie-Claire Jamet assises quelques mètres à votre gauche, mais nous sommes tous ressortis de ce concert avec l’assurance que l’avenir de la harpe classique est entre de bonnes mains (et des nerfs d’acier).
Le samedi après-midi s’est poursuivi avec pédagogie : une masterclasse avec Marie-Claire Jamet, marraine du festival, et un atelier sur les rythmes d’Amérique latine avec nos amis vénézuéliens. Nous sommes honorés que Marie-Claire Jamet, grande dame de la harpe classique, ait accepté d’être la figure emblématique de ce festival. Elle est non seulement une artiste exceptionnelle, mais elle fait aussi partie d’une des plus grandes lignées de l’histoire de la harpe. Son père, Pierre Jamet (1893 – 1991), fut un élève de Hasselmans, et en plus d’être la fille de Pierre Jamet, Marie-Claire fut aussi la dernière élève de Tournier. La « génération Hasselmans » de harpistes français a profondément influencé notre façon actuelle de jouer de la harpe à pédales. Vous trouverez une interview sur Harpblog ici.
D’ailleurs, je dois aussi préciser qu’en réalité, c’est Marie-Claire Jamet qui a ouvert le festival. Avant même que les événements ouverts au public débutent le vendredi, elle a joué lors d’un concert privé pour les bénévoles (qui étaient sinon trop occupés pendant le week-end pour assister à des concerts !) et l’équipe de la COMPA. Marie-Claire Jamet y a interprété l’Impromptu de Fauré, plusieurs pièces de Debussy et Lolita la Danseuse. C’était pour nous un grand privilège que d’y assister.
L’après-midi s’est poursuivi avec le premier des concerts « Classique à la Chapelle« . C’est un concept que Jakez a repris suite au festival organisé à Ancenis pour notre quarantième anniversaire en 2012 : un récital classique en deux parties, la première par un jeune talent montant et la deuxième par un grand nom de la harpe. Ce premier concert « Classique à la Chapelle » a donc commencé avec Elisa Jouve, la jeune lauréate de la catégorie instrumentale de l’émission « Prodiges » diffusée sur France 2. Nous avons tous été très impressionnés par l’assurance tranquille de son jeu, malgré une grande pression, et de celui de sa jeune collègue Jeanne Duquesnoy à l’alto. A la fin de leur programme, Ghislaine Petit-Volta, la professeur d’Elisa, l’a rejointe pour interpréter un très bel arrangement du mouvement lent du Concerto d’Aranjuez de Rodrigo. La deuxième partie du concert était assurée par Anneleen Lenaerts, Première Harpe du Philharmonique de Vienne depuis l’âge de vingt-quatre ans (et dont nous reparlerons un peu plus loin).
Et puis, l’ambiance a tourné à la fête. Après tout, c’était samedi soir ! Le concert du soir au théâtre était intitulé Pop’Harpes : Elisa Vellia avec son trio, puis Ranagri, et enfin Deborah Henson-Conant en personne. Tous ces artistes dans une même soirée à Ancenis ! Un échauffement parfait avant le grand show du festival qui, à 23h, ne faisait que commencer. La Chapelle des Ursulines, habituellement d’apparence si convenable, avait pris des allures de night club spécialement pour l’occasion, grâce au travail de Paradise Prod. Tara Minton, Shelley Frost, Arnaud Roy, Eduardo Betancourt (harpes), Bertrand Depart (DJ), Dan Bono (DJ), Aurélien Lafargue (projection vidéo) et Simon Boisson (mise en lumière) ont mis le feu à Harpes au Club ! Nous avons dansé jusqu’à 4h du matin et nous avons ensuite continué la soirée dans le bar de l’hôtel pour profiter du jam impromptu d’Eduardo Betancourt et Leonard Jacome.
Pour être honnête, il y avait quelques dégâts au petit déjeuner le lendemain matin… Quelques échanges polis ont été murmurés, mais plusieurs cafés bien serrés et une couche supplémentaire de maquillage étaient les bienvenus. De retour au Château, nous avons découvert que la salle était déjà pleine et que même l’équipe Camac ne pouvait s’y faire une petite place pour apprécier le concert des jeunes lauréats de notre récent concours de harpe celtique en Bretagne, Dasson An Delenn. Un grand merci au bénévole qui nous a laissés nous faufiler par la porte de derrière, nous permettant ainsi de profiter des prestations de Paul Vieuxloup, Nour Midouni, Aurore Esposito, Adèle Etaix, Céline Bourreau et Bleuenn Guillouard.
Après ce concert des lauréats de Dasson An Delenn, venait le Concert des Ensembles dont nous avons parlé plus haut. Etant donné les frasques de la veille, c’est une véritable prouesse que non seulement, aucun d’entre nous ne s’est endormi, mais mieux encore, nous étions tous à nouveau debout en train de danser ! Et enfin, c’est avec le deuxième concert « Classique à la Chapelle » que le festival s’est terminé.
Ce dernier concert a été l’occasion de renouveler l’expérience de la « porte de derrière » pour certains d’entre nous. Le festival avait débuté avec la prestation d’une grande artiste, Marie-Claire Jamet et il a fini avec une autre prestation classique par une autre grande artiste de la nouvelle génération, Anneleen Lenaerts. Et vraiment, c’était un moment magique. « Trop beau ! » comme disent les plus jeunes d’entre nous. D’une beauté qu’on imagine à peine possible, et qui nous émeut aux larmes, car les grands musiciens ouvrent une fenêtre sur des domaines d’accomplissement humain qui nous élèvent et nous apportent de la dignité et de la noblesse. Bon nombre d’entre nous a dû remettre les lunettes de soleil que nous portions depuis le petit déjeuner.
Deborah Henson-Conant et moi avons pris le même avion pour Paris le lundi matin, et nous avons donc discuté à l’aéroport. Deborah m’a parlé de son école en ligne, un domaine qu’elle développe beaucoup, et de la grande diversité d’élèves qui s’y sont inscrits. « J’aime vraiment rencontrer toutes ces personnes qui viennent d’horizons différents », m’a-t-elle dit. « Mon rôle en tant que professeur n’est pas de leur raconter mon histoire, c’est de les aider à trouver la leur. C’est en racontant leur histoire qu’ils peuvent en arriver à mieux se connaître, à découvrir où réside leur passion et à l’exprimer. » Avant Harpes au Max, Deborah était venue nous voir à Mouzeil (vous pouvez découvrir ce grand moment ici sur son fantastique blog). « J’ai vraiment été stupéfaite par la passion que l’on ressent dans ce festival », a continué Deborah. « Passion de la part de la COMPA dans son implication dans un tel événement, passion de la part des artistes et des bénévoles, passion de la part du public, et passion de la part de l’équipe Camac pour leur travail ». Pour le dire autrement : « C’est notre univers », a dit notre technicien en chef Enric, alors que nous étions tous les deux en train de pleurer sur l’épaule de l’autre à la fin du deuxième récital d’Anneleen. « Tout ça… C’est notre univers… ». Nous nous sentons tous privilégiés de faire ce que nous faisons, inspirés par les artistes qui jouent nos harpes et le public qui est heureux de les écouter.
Dernière chose (mais pas des moindres !), c’est officiel : la prochaine édition de Harpes au Max se déroulera en 2018 !