Le blog des Harpes Camac
Mariannig Larc’hantec : « La Harpe, Instrument des Celtes »
Actualités
11 septembre, 2016
Le rôle d’Alan Stivell a été crucial dans le renouveau de la harpe celtique à partir des années 1950, car en se produisant lors de grands événements et sur des scènes célèbres, il a permis à la harpe d’être entendue par un plus grand nombre. Cependant, ce bel essor n’aurait sans doute pas vu le jour sans le fabuleux apport et le travail de fond des harpistes de la Telenn Bleimor, parmi lesquelles Denise Mégevand (qui a dirigé cet ensemble et a enseigné à de nombreux harpistes), Madeleine Buffandeau, Rozenn Guilcher, Brigitte Baronnet, Kristen Noguès, Françoise Johannel, ou encore Mariannig Larc’hantec.
Cette dernière a écrit un livre, « La Harpe, Instrument des Celtes – Journal de bord d’un professeur de harpe celtique » (Coop Breizh, 2013), qui retrace son histoire et ses expériences, étroitement liés à l’Histoire de la harpe dite celtique. Car comme le fait remarquer Mariannig : « l’histoire de la harpe celtique au XXe siècle en France, c’est une partie de mon histoire. »
Elle y raconte notamment ses rencontres avec Micheline Kahn, Jacques Higelin, Polig Montjarret ou Marylène Bouchaud, ses débuts avec la Telenn Bleimor, sa nomination à l’Ecole Nationale de Musique de Brest en septembre 1972 sur le poste de « piano, harpe et musique régionale » (!) et comment elle y a introduit la musique traditionnelle, sa participation au concours de Killarney, la création du concours de harpe celtique au Kan ar Bobl, la naissance de certaines écoles de musique (Le Vésinet-Le Pecq, Lannion-Perros…)… Elle nous décrit comment, de par ses expériences notamment au sein de la Telenn Bleimor, elle permet petit à petit une nouvelle vision de l’enseignement musical et un regard différent sur la harpe celtique, « pour que, quittant le statut d’instrument d’une musique, elle devienne instrument de musique ». Elle nous confie également comment est née sa collaboration avec Joël Garnier, fondateur des Harpes Camac, et comment ensemble, ils ont réfléchi, pensé, créé, amélioré pour en arriver au terme de nombreux mois de travail à la naissance de cette harpe qui deviendrait notre Mélusine.
De nos jours, la harpe celtique s’est bien développée : elle est enseignée dans les écoles de musique et conservatoires à un grand nombre d’élèves, divers arrangements et compositions sont écrits pour cet instrument, il est facile de trouver des concerts de harpe, des festivals internationaux lui sont consacrés… Difficile d’imaginer qu’il y a 70 ans, tout était à faire. Dans son livre, Mariannig décrit ainsi comment les harpistes de la Telenn Bleimor sont parties de très peu de choses pour peu à peu construire une technique instrumentale, un répertoire spécifique, une pédagogie adaptée et améliorer l’instrument. Mais aussi, comment au fur et à mesure des années, cet instrument s’est libéré de son carcan identitaire. Car comme l’explique Mariannig, à cet époque, « dans un esprit panceltique qui dominait alors la communauté bretonne de Paris, ses membres intégraient la harpe dans l’objectif d’en faire également l’instrument de la révolte culturo-identitaire qui grondait dans leurs rangs. ».
Mais au-delà de la harpe celtique, c’est aussi l’évolution de la pédagogie au cours de ces dernières décennies qui y est abordée. Si aujourd’hui, les enseignants admettent aisément l’importance d’une pédagogie adaptée, des pratiques collectives, de la place de la création et de l’improvisation, des liens avec les programmations culturelles, des projets transversaux (au sein de l’école de musique, mais aussi avec les enseignants d’autres disciplines artistiques), des liens avec le milieu scolaire et avec les divers acteurs culturels et/ou sociaux locaux… cela n’a pas toujours été une évidence !
Mariannig nous livre donc là un fabuleux témoignage, un ouvrage plein d’anecdotes, d’humour et d’émotions, mais aussi plein de réflexions et de questionnements. A titre plus personnel et à la veille de cette nouvelle rentrée, à l’approche de retrouver mes élèves, ce livre m’a non seulement rappelé bon nombre d’agréables souvenirs, de moments formateurs (voire fondateurs) dans ma jeune vie de musicienne, mais m’a également renvoyée à toutes ces interrogations qui m’accompagnent sans cesse (comme pour la plupart des enseignants) en matière d’approche pédagogique, de rapport entre musique traditionnelle et musique savante, entre oral et écrit, sur ce que je peux apporter à mes élèves et par quel biais… Et à la lecture de ce livre, je me rends un peu plus compte que, bien que le contexte soit différent, que les outils aient évolué, la pédagogie demande cependant une éternelle inventivité et une incessante remise en question.