Le blog des Harpes Camac
« La compétition a prouvé son utilité…
Actualités
3 juin, 2015
… jusqu’à un certain point, et pas au-delà », a dit Franklin D. Roosevelt, « car ce que nous devons rechercher de nos jours, c’est la coopération, et celle-ci commence là où la compétition s’arrête. »
Chacun de nous a une façon particulière d’apprécier les concours et la compétition. Comme je me suis souvent sentie plutôt nulle dans ces situations, je regarde encore aujourd’hui, les heureux lauréats avec un mélange d’admiration et d’émerveillement, tout comme j’ai de la peine pour les candidats rejetés aux éliminatoires. Je vous promets que ça me passera avec le temps, mais c’est encore un choc à chaque fois.
Il peut parfois être judicieux, après les résultats de ces satanés tours éliminatoires, de rejoindre Germaine Lorenzini à l’extérieur, pour une cigarette, et c’est là que je me suis retrouvée au dernier Concours de la Cité des Arts. « C’est vraiment horrible, tous ces éliminatoires et ces personnes déçues », dis-je, tristement. « Oui, bien sûr, évidemment que c’est horrible », dit Germaine, « mais nous n’avons pas d’autre solution. On ne peut pas obtenir les mêmes résultats autrement que par ce biais : les concours sont constructifs. Il n’y a pas de meilleur moyen pour repousser son niveau, maîtriser son stress et la pression inhérente à toute compétition. Donc nous devons continuer dans ce sens. »
Ainsi, comme nous l’expliquons dans la section sponsoring de notre site, nous continuerons à organiser des concours. Ils sont importants et en gagner est un accomplissement incroyable qu’il faut célébrer haut et fort ! Néanmoins, les festivals sont bien plus amusants !
Les Deuxièmes Journées de la Harpe à Cracovie se sont révélées être la parfaite illustration des raisons pour lesquelles nous aimons tant les festivals. A la fois intéressant, varié, chaleureux, organisé dans la convivialité et avec passion pour la harpe et les artistes qui ont joué, ce weekend musical était un vrai moment de bonheur du début à la fin.
Nous avons commencé les festivités à midi avec le récital donné par une jeune Polonaise très talentueuse, Klara Woskowiak, lauréate ex-aequo du Concours Camac à Londres en 2014. Si vous n’avez pas encore eu la chance de l’entendre, vous pouvez vous rattraper et savourer l’intégral du concert, filmé par TV Zaprasza, l’un des sponsors nationaux du festival.
Le samedi soir, nous avons assisté à un deuxième récital classique, donné par Florence Sitruk et le Čiurlionis Quartet, ses collègues de Lituanie. Parmi ses nombreuses autres activités, Florence est actuellement Professeur Invité de l’Académie de Musique de Cracovie. Ce que nous apprécions particulièrement dans les festivals, c’est cette capacité à réunir les gens, quel que soit leur âge, leur niveau ou leur champ d’expertise. Le Conservatoire d’une ville peut travailler avec des écoles de musique ; un(e) jeune professionnel(le) peut insuffler une énergie très intense à des harpistes en herbe, parce que son expérience est encore toute jeune et lui donne une proximité avec ces élèves.
Le dimanche, nous avons changé d’ambiance et nous nous sommes rendus à Alchemia, l’un des clubs de jazz les plus réputés de Cracovie, pour écouter le duo de Tara Minton (Harpe Bleue) et Tristan McCoppin (guitare). Nous parlons régulièrement de Tara sur ce blog et nous avions hâte d’entendre cette nouvelle combinaison musicale : la Harpe Bleue de Tara et la subtilité de la guitare électrique de Tristan McCoppin, tout en délicatesse. Nous sommes très fiers de Tara (non pas qu’elle nous appartienne !) mais nous l’avons aidée à trouver l’instrument qui lui convenait le mieux. Quand il s’agit de sponsoriser des artistes, en tant que facteur de harpes, nous sommes plutôt énergiques ! Mais nous ne sommes pas managers, il serait malhonnête de le faire croire. Un projet de sponsoring a sa raison d’être lorsque nous sommes en mesure de catalyser quelque chose que l’artiste transforme par lui-même et continue de transformer par la suite afin de le sublimer.
Hormis les événements que nous organisons nous-mêmes (comme les festivals Camac, chez nous en France), nous constatons que l’un des points communs entre les concours et les festivals est le fait que leur réussite dépend beaucoup de leurs organisateurs sur place. On ne pouvait rêver meilleure partenaire pour le Dni Harfy w Krakowie que Agnieszka Grela-Fedkowicz. C’était son idée de développer un festival de harpe à Cracovie, afin d’ouvrir de nouveaux horizons à ses élèves et à d’autres jeunes harpistes, d’attirer l’attention de Cracovie (grand centre culturel s’il en est) sur la harpe, et de profiter de toutes les possibilités désormais offertes par les magnifiques locaux flambant neufs de l’école de musique. Il était aussi fantastique de voir le soutien qu’Agnieszka a reçu de ses collègues harpistes qui sont venus en nombre de tout le pays pour assister à ces journées, de Marta Nowaczyk-Łapińska (directrice de la Szkoła Muzyczna I i II stopnia im. B. Rutkowskiego où Agnieszka enseigne), des sponsors culturels de la ville de Cracovie, et aussi de ses élèves et de leurs familles. Une famille a apporté de délicieux gâteaux, une autre s’est chargée des fleurs… Toutes ces attentions ne sont pas superficielles ou insignifiantes, bien au contraire. Un festival, c’est quand tout le monde participe et travaille ensemble pour célébrer la musique, et c’est de là que vient cette merveilleuse ambiance. On peut tout-à-fait intégrer un concours au programme d’un festival, afin de créer un objectif motivant pour les élèves. En revanche, il est impossible de gérer un festival dans un sombre esprit de compétition. Un festival ne peut exister pour flatter l’ego d’une seule personne. Son existence même dépend d’une multitude de volontés, guidées par un directeur artistique assez perspicace pour créer quelque chose pour tous.
Le marché musical est saturé et cela peut éventuellement donner l’idée qu’il faut entrer en lice contre ses propres collègues. Mais, même en admettant que l’idée ne soit pas si déplaisante, cela ne fonctionne tout simplement pas dans la musique. Si pour obtenir davantage de cachets, vous décider de casser les prix par-rapport à vos collègues, tout ce que vous obtenez, c’est que plus personne ne pourra gagner sa vie, vous y compris. Si vous n’aidez pas vos collègues, en partageant les informations, les opportunités de jouer, ou en soutenant les événements qu’ils organisent, si vous faites exprès de programmer vos projets à la même date que les leurs, tout ce que vous gagnerez, c’est que chaque événement sera diminué et moins fréquenté, y compris le vôtre. Si l’on joue la carte de la solidarité, tout le monde ne s’en porte que mieux, même dans les temps plus difficiles.
Puisque nous avions traversé la moitié de l’Europe pour aller à Cracovie, nous souhaitions en faire profiter le plus grand nombre et nous nous sommes aussi rendus à Wroclaw, Varsovie, Poznan et Szczecin pour des révisions. Nous avons ainsi parcouru plus de cinq mille kilomètres et révisé quasiment cent harpes. Alors que Jakez et Enric massaient leurs dos endoloris, je les réconfortais, bien installée sur la banquette la plus confortable du fourgon, en leur disant que c’était bon de se sentir utile, et comme ils avaient été très efficaces, nous avions pu ajouter quelques harpes supplémentaires à leur planning. Nous étions occupés, vraiment – mais aussi grisés et stimulés ! Nous avons été portés par l’énergie de ce fabuleux festival, et touchés au-delà de toute mesure par le travail, l’attention et le bonheur de faire de la musique, d’Agnieszka et de toute son équipe.