Le blog des Harpes Camac
Bisiad…« ce qu’on a dans les doigts ! »
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3 mai, 2021
Si vous n’avez pas encore entendu parler de Kevin Le Pennec, sachez qu’il fait partie de la nouvelle génération en musiques trad’actuelles – et nous aimons ce qu’il fait. Ne manquez pas son passage dans l’émission Les Jeudis de la Harpe, ce jeudi à 19h30 sur YouTube.
Si vous aimez cela, vous aimerez aussi ceci : Kevin vient également de sortir son premier album avec sa partenaire Morgane Grégory. Tous deux lauréats du Trophée Camac du Festival interceltique de Lorient (Morgane en 2017, c’était le tour de Kevin en 2019), Kevin et Morgane ont formé un duo alors qu’ils étaient tous deux étudiants à Brest, en Bretagne.
Bisiad est un disque éponyme ; le duo est nommé d’après le mot breton » biz « , ou doigt. Avec le suffixe « iad », il signifie quelque chose comme « ce que tu as dans les doigts ». Dans le cas de Bisiad, c’est beaucoup !
« Nous voulions faire un album dynamique », explique Kevin. « Plein de danses, ensoleillé, joyeux, et avec l’énergie et les grooves qui nous semblent tellement importants dans notre musique trad’actuelle. La musique traditionnelle a toujours évolué avec son temps, si vous pensez au folk rock des années 70 par exemple. Nous avons apporté beaucoup d’influences pop, je dirais, mais nous aimons tant jouer toutes ces musiques, tout en cherchant à respecter les sources des musiques bretonnes, irlandaise et écossaise. Finalement, au niveau culturel, ces airs sont complètement différents, mais c’est aussi une partie très amusante de la musique traditionnelle : nous aimons sa diversité, on peut se l’approprier et être expressif de tellement de façons différentes. »
« Invitation », le premier titre de l’album, est basé sur un air de Tour breton, de la même famille de danses que l’An dro. Il est issu du répertoire de Haute Bretagne et est chanté en français. « Traditionnellement, cet air était chanté pour inviter la famille, les amis et les voisins à une cérémonie de mariage », explique Kevin. « Nous avons pensé qu’il serait parfait pour démarrer notre album, comme une invitation à l’écoute ! »
Après cette joyeuse invitation, l’album nous emmène rapidement vers les îles Shetland – et d’autres danses, cette fois-ci des reels. « La violoniste Anna-Wendy Stevenson nous les a enseignées », poursuit Kevin. « C’était très amusant de les arranger pour deux harpes. Et le morceau 3, BIS#1, l’était aussi ! Ce titre a été proposé par Morgane car c’est le premier morceau que nous avons arrangé ensemble. J’ai composé une ligne de basse, et Morgane a improvisé une mélodie par-dessus qui a finit par donner l’air du morceau. C’est basé sur un rythme de Laridé 8 temps, une autre danse bretonne.
Le quatrième titre de Bisiad prend une tournure plus sobre. « Pa oan me plac’hig yaouank » (« Quand j’étais une jeune fille ») est un air traditionnel de Cornouaille, dans le sud-ouest de la Bretagne. Racontant un mariage malheureux, il avertit les jeunes femmes de bien réfléchir avant de se marier ! L’arrangement de la harpe est tout aussi piquant, et souhaite mettre en avant ce que Kevin décrit comme la qualité percussive de la langue bretonne.
À suivre « Pull the knife and stick it again », un air écossais que Kevin et Morgane ont découvert via le trio Talisk – et ensuite, The Kerry, un reel auquel participe également le guitariste et joueur de banjo old time Arthur Manuel. « The Kerry est l’un des morceaux les plus pop de l’album », dit Kevin. « Il n’y a que quatre accords… on s’est dit, pourquoi pas ! ».
L’album reprend un ton plus réfléchi avec « Mésange et Rossignols », une des propres compositions de Kevin. « C’est une chanson anti-misogynie », dit-il, « et je suppose une chanson contre les discriminations en général. J’ai été vraiment scandalisé lorsque j’ai commencé à travailler en tant que musicien professionnel et que j’ai remarqué à quel point les collègues femmes pouvaient subir des comportements sexistes au quotidien. Elles ne sont pas assez mise en avant pour leur musique et c’est vraiment dommage.
De plus, il existe de nombreux « gourous » musicaux établis qui aiment expliquer et juger comment les choses doivent être faites, j’en ai fait l’expérience aussi. Je pense que la musique s’épanouit dans un esprit de diversité et d’ouverture d’esprit, c’est donc ce que je chante ici. »
« Rhythm’N’Bis », l’avant-dernière piste de l’album est une autre danse bretonne que vous pouvez apprécier sur SoundCloud. On revient à un groove percussif et dynamique. C’est un Tricot, un mélange entre deux danses bretonnes : l’An dro en 4/4 suivi de l’Hanter dro en 3/4. Ainsi, la carrure de la danse change.
Après tant de danse, Bisiad conclut avec « Month of January », une chanson irlandaise à laquelle Arthur Manuel est venu apporter les belles notes du banjo. C’est aussi une chanson triste : une jeune fille pleure, son bébé dans les bras, au moment le plus froid de l’année. Elle se trouve délaissée par sa famille, son amant ayant « échangé son amour contre de l’or ». Encore une fois, la chanson met en garde les jeunes femmes, cette fois contre les hommes malhonnêtes qui les laissent au profit d’une autre. « Nous voulions faire un album dynamique, mais aussi profond sur le plan émotionnel », explique Kevin. « La musique traditionnelle est pleine de lumière et aussi d’ombre. Il s’agit toujours de vies humaines ».
Bisiad est désormais disponible sur la boutique en ligne de Camac. Nous le recommandons chaleureusement !
Voilà une jeune génération qui ne se laisse pas impressionner par la morosité ambiante et par les difficultés quotidiennes. Il faut de l’énergie et de la générosité pour offrir encore et à tous des moments d’évasions musicales. En attendant les concerts live (au festival de la harpe à Dinan en juillet ?) . Vivement ce concert et merci pour la présentation !